dimanche 29 mai 2011

Mon Union Européenne (1)

C'est toujours amusant, surprenant, et même parfois ludique, de lancer des recherches vaguement acrobatiques au hasard - dans la mesure où l'on ignore bien le résultat que celle-ci pourrait donner - via le moteur de recherche d'un site comme Google : on peut tout à fait découvrir de véritables trésors sans trop d'efforts, ce qui est fortement appréciable lorsque, comme moi, on aime particulièrement flemmarder le dimanche. Le hic, duquel personne n'est à l'abri, c'est qu'une recherche peut très vite en cacher une autre. Puis une troisième. Et ainsi de suite, comme des poupées russes. Moralité : six onglets ouverts simultanément et trois téléchargements qui me bouffèrent pendant un moment ma connexion haut débit.
Il y a quelques temps, je m'étais ainsi aventureusement lancé dans l'exploration musicale des pays d'Europe centrale et de l'est, histoire de voir ce qu'il y avait à découvrir chez nos voisins. Et c'est finalement par hasard, en explorant la "latvian psych music" (période hippie), que je tombai sur cette pépite :
Une mélodie envoutante comme une berceuse, une ritournelle "pop" à l'orgue particulièrement hypnotique, une rythmique psychédélique à souhait... tout était fait pour me charmer. Après quelques heures d'enquêtes (et d'écoute en boucle du morceau), si je n'avais toujours pas compris un traître mot des paroles de la chanson - mes connaissances en langue lettone étant nulles -, j'avais néanmoins retrouvé le titre du morceau ("Dudievins"), ainsi que les noms de l'interprète (Ilona Balina) et du compositeur (Imants Kalnins). Et si les informations concernant la chanteuse se révélaient inexistantes, Imants Kalnins, en revanche, passait pour un véritable prophète dans son pays : la Lettonie.
Imants Kalnins (2ème à gauche sur la photo), est né en 1941 à Riga, une station balnéaire lettone. Après des études de musique classique et chorale au conservatoire, il enregistre à partir des années 60 plusieurs compositions classiques (parmi lesquelles des symphonies, des oratorios...) avant de fonder en 1969, sous l'influence de la musique pop de l'époque, 2xBBM, le premier groupe rock de toute l'histoire du pays. En mélangeant folklore et rock'n roll, le succès ne se fait pas attendre : concerts, festivals, prix... En à peine plus d'une année, 2xBBM cartonne et devient LE porte-parole de la jeunesse lettone. Ce qui ne plaît guère au gouvernement de l'époque, qui - influence soviétique oblige - les bannira définitivement courant 1970. Malin, Kalnins refuse cette dissolution forcée et, en attendant, continue d'écrire pour d'autres groupes (Menuets, ci-dessous, sera son principal porte-voix).
Si les compositions qu'il prête aux autres restent orientées vers une musique actuelle, ses projets solo, en revanche, le font revenir - en partie seulement - à ses premières amours : symphonie-rock ("Symphony 4", 1972), musiques de films ("Put, Vejini !", en 1973)...
Sous toutes ces formes, l'écriture de Kalnins reste unique, expérimentale, pionnière, gardant toujours un pied sur terre (classique, folk) et les yeux tournés vers le ciel (rock, fusion). Kalnins composera même le premier opéra-rock russe des années 80 : "Ei, jus tur !"...
... ainsi que des chansons pour Perkons ou Turaidas Roze, son propre groupe. La censure levée, les années 90 sont celles de la réhabilitation officielle : récompensé, des festivals lui sont dédiés ; alors que sa musique entre dans les musées, il peut dorénavant librement ré-enregistrer de nouvelles versions de ses anciennes compositions sous son propre nom, et même se lancer dans une carrière politique ! (Aux dernières nouvelles, et après plusieurs années d'activisme au sein du Front Populaire letton, Kalnins serait plusieurs fois député.) L'on ne peut décidément que lui envier ses 40 années d'une carrière bien remplie... En attendant un éventuel séjour à Liepaja ou à Riga, on peut toujours continuer de rêver à sa musique. "Paldies", Mr Kalnins.

samedi 14 mai 2011

Voyages, voyages.

En bon amateur de disques qui se respecte, je ne manque jamais, à la veille de partir en vacances, une occasion de me rencarder sur la présence éventuelle de disquaires - et/ou  libraires - dans la ville où je me prépare à aller. Sait-on jamais ? Selon le principe établi qui prouve que les prix pratiqués par les commerçants provinciaux ne seront jamais ceux pratiqués par leurs homologues parisiens, il serait dommage de vouloir éviter les bonnes affaires. On joint ainsi l'utile à l'agréable, et tout le monde peut y trouver son bonheur (cela dit, peut-être un peu moins souvent depuis l'avènement d'internet...). Renseignements pris, je peux ainsi partir le cœur léger et le portefeuille plein. En me disant que, au pire, je profiterais toujours du paysage, comme ce fut le cas ici à Blois (spéciale dédicace à Bob !).
Tout de même... Qui n'a jamais connu le grand frisson, l'excitation fébrile qui anime et parcourt - même le dimanche matin à 6 heures ! - le chineur qui se lève pour parcourir 300 km (et plus) dans l'espoir de trouver une pièce de collection dans une convention de province ? Puis, au final, rentrer bredouille ? Il faut l'avoir vécu une fois, pour le savourer pleinement. On ne devient pas philosophe à moins.
A l'inverse (car on peut aussi bien chiner à Paris), histoire de rétablir l'équilibre, et depuis le temps que je me balade de boutique en magasin, me vint justement l'envie de présenter ces fameux disquaires parisiens. Du moins : ceux que je connais un peu. Certes, ils seront peu nombreux à figurer ici, cette sélection se voulant on ne peut plus subjective, mais ils me semblent tous, chacun dans leur genre, suffisamment typiques pour les présenter. Séquence : "Guide du routard".
Tout d'abord, dans le quartier de Châtelet réside au 47, rue Saint Honoré une institution bien connue des amateurs de musique (majoritairement rock, mais pas non plus exclusif) : "Parallèles", c'est en quelque sorte un libraire-disquaire assez unique, qui propose, outre des vinyles d'occasion, une (bonne) sélection de livres principalement axée sur la zizique (de celle qu'on ne trouve nulle part ailleurs), et quelques "en-marge" non moins subversifs. Recommandation : ne pas manquer de faire un saut chez sa petite sœur, "Gilda", à peine une rue plus loin. J'aimais déjà bien le concept neuf/occasion, mais, là, j'avoue craquer totalement pour celui de libraire-disquaire.
L'ami Jean-Paul, aussi connu sous le nom de "Plus de bruit", est Pigallois (35, rue La Rochefoucauld). Un vieux de la vieille, comme on dit, qui fait de la résistance (car récemment converti à la BD). On apprécie d'écouter de tout chez lui (cf. son wall ci-dessous), et sans se prendre la tête. Cerise sur le gâteau, les prix de Jean-Paul sont réputés pour être très appréciables. Enfin, il est tout de même situé en plein quartier musicien de Paris : écoutez un disque chez lui, comme ça, l'air de rien et, l'instant d'après, vous vous retrouverez à acheter une guitare dans l'un des magasins d'instruments de musique de la rue de Douai. Bien vu...
Si l'on traverse de nouveau la Seine, et que l'on déambule jusque du côté de la place de la Bastille, en plein quartier "branchouille", plusieurs possibilités s'offrent aux mélomanes curieux, éclectiques et exigeants - Hype oblige : des mauvais garçons (tendance "Schizo-Punk-garage-Rock'n-billy") de Born Bad (qui, au passage, s'avère également un fameux label)...
... aux doux allumés (tendance "électro-proto-bruitiste-nipponisante") de Bimbo Tower...
... en passant par le tout jeune Vinyl Office, tous les goûts sont dans la nature. Oreilles pointues welcome ! "Venez nombreux", comme ils le disent :
Enfin, je terminerai cette balade sur la rive gauche, plus précisément au 14, boulevard Saint-Michel (pas très loin de "Gibert Joseph" qui, qu'on qu'on en dise, reste le meilleur importateur musical parisien) : parce qu'on trouve chez "Silly Melody" des  disques ET des livres d'occasion. De quoi se plaindrait-on ?
Des absents ? Fatalement. L'on pourra certes me reprocher d'avoir évincé de cette sélection les "Monster Melodies", "Crocodisc", "Oldies but goodies" et consorts. Sans parler de ces soi-disant dealers de "groove" et de "vibes" en tout genre... En l'occurrence, outre leurs... mmm... personnalités respectives, la qualité souvent discutable de leur came, etc., ils ne m'ont jamais fait une autre impression que celle de fonctionnaires blasés - ringards ? - du vinyle. Aucun risque d'affinité élective. En revanche, j'aurais aimé vous évoquer les fantômes de "Troglodisc" et d' "Arts sonores", tous deux disparus depuis longtemps et que je regrette parfois. Au surplus, je ne m'attarde guère chez les disquaires de "neufs", fussent-ils excellents ("Le silence de la rue", "Groundzero"...) : pour moi, un disque vinyle se transmet ; cela doit forcément, un peu comme un vieux livre, avoir vécu, exhaler le temps perdu, puis retrouvé ; ça ne devrait jamais sentir l'usine. Parfois, je me dis que ce doit être pour des gens comme moi que Dieu, dans son infinie bonté, inventa les conventions de disques. Alleluïa !